Les bouteilles consignées, qu’on pensait disparues depuis quelques décennies, font un retour remarqué dans le domaine des boissons… dont le vin. Si la démarche est encore marginale chez les vignerons, elle est déjà bien implantée dans la bière. Plusieurs de nos domaines sont en train de faire le saut, dans l’alignement des valeurs portées par notre salon, notamment en termes d’éco-responsabilité et de respect de l’environnement. Lucie, du Domaine de Prapin, et Stéphane, de Rebooteille, solution de consigne, vous racontent pourquoi ils pensent que c’est une solution d’avenir.
Lucie, pourquoi avez-vous choisi de passer aux bouteilles consignées ?
Lucie : “Au Domaine de Prapin, le geste nous semblait important, parce qu’il s’inscrit dans une démarche globale d’éco-responsabilité. L’idée, pour nous, est que ça ait un impact positif sur le bilan carbone que nous avons réalisé l’année dernière, qui était déjà positif, mais encore perfectible.
Or, le verre est très compliqué à recycler : le processus consomme beaucoup d’énergie, parce qu’il faut chauffer le verre à haute température. Dès mon BTS, j’ai travaillé sur cette question, qui est restée depuis une vraie préoccupation pour moi.
Nous avons pris le temps de la réflexion avant d’y aller. On en a profité pour sonder l’intérêt de nos clients pour la démarche : ils s’y sont globalement montrés très sensibles, alors même qu’une partie d’entre eux réside dans des villages qui ne sont même pas encore équipés de poubelles de tri ! ”
Stéphane : “À l’origine de Rebooteille, il y a une constatation : le réemploi des bouteilles a un impact environnemental très inférieur au recyclage du verre, qui est à la fois très énergivore et très chronophage. L’impact environnemental est le moteur même de notre démarche.
Depuis quelques mois, un argument supplémentaire séduit de nouveaux utilisateurs : la baisse des coûts. En effet, le prix du verre a explosé depuis un an. Notre engagement auprès de nos clients est d’être toujours inférieur au prix du neuf. Et notre conviction est que le système de réemploi peut assurer une partie de la demande locale. Il permet de sécuriser, même partiellement, l’approvisionnement, le tout dans des circuits économiques courts.”
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la consigne des bouteilles ?
Stéphane : “Le principe, c’est de réutiliser les bouteilles au lieu de les recycler. Pour cela, il faut collecter les bouteilles utilisées auprès des consommateurs finaux, en s’appuyant notamment sur les distributeurs, pour pouvoir les nettoyer et les remettre en circulation auprès des producteurs.
Chez nous, le principe est simple : nous proposons une solution tout-en-un de consigne sur les bouteilles en verre, à la fois pour les producteurs, les distributeurs et les consommateurs de boissons, sur le Rhône, la Loire et l’Ain. Pour les producteurs et distributeurs qui adhérent à notre système, la rotation des bouteilles est mutualisée.
En effet, quand la consigne est gérée directement par les producteurs, chacun met en place son propre système, et ça devient très compliqué à suivre pour les distributeurs et les consommateurs, par exemple en matière de lisibilité sur le coût, ou sur les lieux de collecte. Notre objectif est de fournir une consigne globale, avec un vrai réseau de collecte clairement identifié. »
Quelles sont les grandes étapes de la transition vers la consigne ?
Lucie : “Notre objectif est de passer tous les vins que nous produisons en Coteaux-du-lyonnais, soit 5 à 7 cuvées, en bouteilles consignées.
Au domaine, nous sommes actuellement en pleine refonte de notre gamme d’étiquettes. Il faut respecter un cahier des charges qui impose de se passer de dorure ou de vernis, et d’utiliser une colle facile à enlever au lavage. L’étiquette sert à se différencier, alors, forcément, c’est un exercice sur lequel nous sommes très vigilants.
Nous devons aussi changer de bouteilles, pour adopter un modèle compatible avec le dispositif. Nous envisageons de finaliser cette transition pour la fin de l’année 2023.”
Stéphane : “Parce que la transition n’est pas toujours facile, nous accompagnons les producteurs dans le passage au réemploi : ils doivent passer sur un modèle de bouteille issu d’une gamme certifiée réemployable, qui pourra être réutilisé partout en France. Et oui, ils doivent changer de papier et de colle d’étiquette, pour qu’elle s’enlève au lavage. Nous leur apportons notre expertise pour que la transition se passe au mieux. Cette période peut prendre de quelques mois, 2 ou 3, à plus d’un an, en fonction du travail à réaliser. Nous donnons aussi de la visibilité à leur démarche, en communicant sur notre site web, pour les magasins et les points de collecte.”
Quelles conséquences a ce changement sur la chaîne logistique des vignerons et, plus globalement, sur leur fonctionnement ?
Lucie : “Côté logistique, il faut bien signaler au consommateur final que la bouteille est consignée. Pour cela, Rebooteille propose un système de sticker à apposer sur chaque bouteille. On peut aussi utiliser la contre-étiquette pour rendre l’information visible.
Pour le consommateur final, c’est finalement assez simple : il existe plein de points de collecte, épiceries bio, cavistes, partenaires de Rebooteille. Après, il existe beaucoup plus de points de collecte en ville.
Il faut envisager aussi l’aspect comptable du dispositif, typiquement, pour la gestion du montant de la consigne de chaque bouteille. Côté coûts pour le vigneron, la consigne, c’est un forfait fixe.”
Stéphane : “En effet, nous proposons des stickers pour rendre la consigne plus visible. Nous accompagnons aussi les distributeurs, en formant leurs équipes, notamment pour que les consommateurs identifient bien les bouteilles consignées.”
Impressionnant ! En 2022, Rebooteille a collecté… plus de 100 000 bouteilles dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Et pour quel résultat : - 51% d'eau économisée par rapport au recyclage - 76% d'émission de CO2 en moins - 79% de consommation d'énergie gagnée ! Source : Ademe, 2018
Quelles autres actions avez-vous mises en place pour limiter votre impact environnemental ?
Lucie : “Le cœur de notre action commence à la vigne. Nous produisons des vins bio, ce qui n’est pas anecdotique ! Nous souhaitons aller plus loin et produire du biochar. C’est une sorte de charbon de bois (sarments et ceps morts) riche en carbone qu’on peut redisperser dans les vignes pour améliorer la fertilité de nos sols. Notre objectif avec ce projet est d’aller vers toujours plus d’autonomie et de préparer nous-mêmes nos propres apports pour nourrir sols et vignes.
Mais ce n’est pas notre seul projet ! Nous travaillons aussi en collaboration avec un agriculteur de la région, en biodynamie. Après l’arrachage d’une vigne, par exemple, il installe ses vaches ou ses moutons dans nos prairies, pour pâturer dans les vignes l’hiver.
Nous agissons aussi au niveau de notre cave : nous sommes en train de construire un nouveau cuvage en matériaux éco-responsables, pour limiter ainsi notre consommation d’énergie.”
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